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Patrick Neiertz, « Le Dîner du Comte de Boulainvilliers : un ’dialogue des morts’ des auteurs clandestins »

vendredi 13 janvier 2012

Revue Voltaire, 8 (2008), p. 151-164.

Patrick Neiertz, « Le Dîner du Comte de Boulainvilliers : un ’dialogue des morts’ des auteurs clandestins »

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À la fin de 1767, Voltaire, malade et cloué au lit durant de longues semaines, désire résumer les lectures et les écrits d’une année très dense. Les lectures économiques et scientifiques inspireront le pot-pourri de L’Homme aux quarante écus. La critique théologique génère l’une des meilleures productions de l’ironie voltairienne : Le Dîner du Comte de Boulainvilliers. Le philosophe y convoque des personnages, réels mais depuis longtemps disparus, pour un dialogue satirique mordant entre un malheureux chanoine et quelques déistes supposés ou notoires : Boulainvilliers, Fréret, Castel de Saint-Pierre, etc. Le dialogue emprunte le registre de l’ironie pascalienne des Provinciales : le chanoine, aveuglé par les plaisirs de la table, tombe dans tous les pièges théologiques des irréligieux. L’auteur emprunte également la séquence contrastée des petites et des grandes Lettres : après que le protagoniste du catholicisme se soit amplement discrédité, la diatribe implacable de Fréret résume les arguments, maintes fois développés ailleurs par Voltaire, en faveur de la religion naturelle.

Le succès inattendu de la brochure anonyme déclenche au printemps 1768 une panique du patriarche et son offensive épistolaire généralisée pour nier une responsabilité auctoriale qui, à vrai dire, n’est mise en doute par personne.

Sick in bed during Fall-Winter 1767, Voltaire writes two tales inspired by scientific and theological readings he had made earlier that year : L’Homme aux quarante écus and Le Dîner du comte de Boulainvilliers. The latter is a very explicit pamphlet satirizing the catholic faith and stating the case for a theist religion. Little there is new to Voltaire’s readers, except for the tone of this ‘dialogue des morts’, quite reminiscent of Blaise Pascal’s irony in Les Lettres provinciales. As it goes, an unfortunate cleric is caught at lunch in the paws of mischevious deists who take advantage of his indulging in food and drink with a view to have him unconsciously disavow his own Roman beliefs. The structure and contents of the dialogue are extremely sharp and witty. What it lacks in argumentative depth (compared to other voltairian texts criticizing religion), it amply compensates through quick and well-written oral speech.

Voltaire was taken aback by the unexpected success of the anonymous brochure sold at street-corners in Paris and the immediate tale of Parisian circles. He went rather panicky about the possible consequences of his provocation and engaged in one of his most intense epistolary attempts at denying authorship (to no avail).