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Florence Naugrette : Les romantiques juges de Voltaire juge de Shakespeare

dimanche 11 janvier 2015

Revue Voltaire, 15 (2015), p. 251-265.

Florence Naugrette, « Les romantiques juges de Voltaire juge de Shakespeare »

RV15_Naugrette

Au début du XIXe siècle, on connaît Shakespeare en France par quatre sources principales : les commentaires de Voltaire, souvent réduits à ses formules saisissantes sur le « sauvage ivre », sorties de leur contexte ; les adaptations de Ducis, qui ont porté Shakespeare sur la scène de la Comédie-Française ; la republication de la traduction de Letourneur par Guizot à partir de 1821 dans la collection des « Chefs-d’œuvre des théâtres étrangers » ; enfin les deux tournées de comédiens anglais sous la Restauration. Cette contribution examine les usages des jugements de Voltaire sur Shakespeare dans la bataille entre la critique néoclassique et les romantiques : pour un Chateaubriand, qui souligne l’évolution de ces jugements et les replace dans leur contexte critique, combien de simplifications polémiques ! On examine ainsi les positions conservatrices de la critique antiromantique, donc antishakespearienne, soucieuse de préserver l’esprit français dont on célèbre en Voltaire un garant salvateur ; celles des dramaturges romantiques qui voient dans Voltaire un classique castrateur, ayant donné, avec Zaïre, le modèle d’un affadissement du modèle shakespearien, notamment par le rejet du mot propre et de la crudité. On souligne l’originalité comparatiste de la position de Stendhal, qui a partagé avec Voltaire l’expérience de la vie d’un Français en Angleterre, y découvrant, comme lui, la relativité du goût. On suit l’évolution de la position de Hugo sur Voltaire : après l’avoir caricaturé en déicide matérialiste, il dénonce dans William Shakespeare son rationalisme chauvin et son insensibilité à la grandeur supranationale et à la poésie populaire du barde, au point de « tir[er] à Shakespeare comme les paysans tirent à l’oie » ; mais Hugo finit, dans un nouveau contexte militant, pour le centenaire de 1878, par enrôler le génie de Voltaire au service de la liberté, du pacifisme, de la république et de la laïcité.