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Daniel Droixhe, « Encore le “manuscrit clandestin” de la correspondance entre Voltaire et Frédéric II (1758). Itinéraire d’une copie et contrainte éditoriale. »

jeudi 7 octobre 2010

Revue Voltaire, 7 (2007), p. 267-274.
Daniel Droixhe, « Encore le “manuscrit clandestin” de la correspondance entre Voltaire et Frédéric II (1758). Itinéraire d’une copie et contrainte éditoriale. »

On reprend ici la question du recueil manuscrit de la correspondance de Voltaire et de Frédéric II, proposé par Jean Vauger à diverses personnes dans les années 1750, et notamment à Durand d’Aubigny, ministre plénipotentiaire de France pour la principauté de Liège. Celui-ci en fit état en 1758 auprès du comte de Bernis et soumit le recueil, qui « pourrait faire six volumes in-12 », à un habitant de Liège non identifié. L’ouvrage aurait été confectionné à partir des lettres de Frédéric II confiées par Voltaire à Mme Du Châtelet. On s’interroge sur la manière dont le Toulousain Louis Lafond, valet de chambre de la marquise, et Sébastien Longchamp, « Marchand de Cartes de géographie », ont pu participer à la copie de cette correspondance.
On cherche par ailleurs à identifier la personnalité liégeoise susceptible d’avoir donné à Durand d’Aubigny une estimation sur la valeur marchande du recueil. Il pourrait s’agir de l’imprimeur-libraire Jean-François Bassompierre. Mais celui-ci ne manifeste à l’époque, en 1758, qu’un intérêt limité pour la correspondance de Voltaire. Aussi renonce-t-il à reproduire certaines lettres du philosophe dans sa contrefaçon du Portefeuille trouvé de 1757.
Il est plus vraisemblable que le document fut montré à Pierre Rousseau, qui éditait alors à Liège le Journal encyclopédique. En ce même mois de juillet 1758, le Journal publiait trois lettres inédites de Voltaire dont une partie pourrait provenir du recueil constitué par Vauger. L’un de ces courriers attira sur leur destinataire, Claude-Étienne Darget, et sur Pierre Rousseau un mouvement de mauvaise humeur de la part du philosophe, qui craignait de se voir attaqué pour des propos trop libres concernant Frédéric II et le déroulement de la guerre de Sept Ans. On comprend que le directeur du Journal, dont la fabrication occupait beaucoup ses moyens d’impression, ait renoncé à acquérir un manuscrit qui, rendu public, risquait de susciter à nouveau l’irritation de Voltaire et de le priver des bonnes feuilles que pouvait lui prodiguer celui-ci.
La manière dont Voltaire récusait la paternité ou l’authenticité de certaines publications portant son nom n’était pas davantage de nature à engager Pierre Rousseau dans une entreprise des plus incertaines. Le « journaliste encyclopédique » venait d’en faire l’expérience en donnant un compte rendu de l’originale du Portefeuille trouvé, à propos duquel Voltaire lui écrivit : « C’est une rapsodie qu’un libraire affamé nommé Duchene vend à Paris sous mon nom. C’est un nouveau brigandage de la librairie. »