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Pierre Cambou, « À la croisée des genres, le conte. Pour emblèmes, le Pot-pourri et Les Trois manières. »

jeudi 7 octobre 2010

Revue Voltaire, 6 (2006), p. 187-196.
Pierre Cambou, « À la croisée des genres, le conte. Pour emblèmes, le Pot-pourri et Les Trois manières. »

Genre roturier, poétiquement imprécis et philosophiquement rétrograde, le conte était le cadre naturel d’une disqualification et d’une requalification du discours fabulateur pourvu qu’il fût exposé à l’influence de catégories plus actuelles et pertinentes. Cet état de relative bâtardise, d’hybridité sujette à hybridations, donne aux contes voltairiens une place de choix dans les Mélanges qui exhibent, en titre, une problématique des genres dont le Pot-pourri et Les Trois manières offrent l’emblématique expression.

Le premier s’attaque à la fable biblique, d’abord en la parodiant, puis en croisant les énoncés ainsi disqualifiés avec des commentaires et des dialogues qui les rapportent à l’actualité et dénoncent leur dangerosité. Au bout du (dé)compte générique, c’est le discours critique, sous ses espèces les plus individualisées et polyphoniques, qui glose et transpose, avec une joie iconoclaste, le discours d’erreur et d’autorité.

Le second donne l’esprit du processus, en réhabilitant l’allégorie, par variations sur des registres qui demandent à l’éloquence du cœur et des sens, mais aussi à la voix, au chant, au geste, de dire la « nature » sur le ton le plus juste qui soit. Les Trois manières sont bien un « autrement dire », non l’allégorie d’une idée, mais d’une énonciation pure, inséparable de son objet, et telle que l’amour seul, en l’occurrence, peigne l’amour. L’invention proprement générique serait dans une situation d’énonciation qui rappelle l’originelle oralité du conte et qui suscite, autour des diseuses d’histoires, une véritable empathie, une communication parfaite, sur fond de philosophie du langage.

Revue Voltaire 6 (2006), pp.187-96.
[Pierre Cambou, “The short story at the crossroads of genre : the examples of Le Pot-pourri and Les Trois Manières.”]

Considered as a commoner’s genre, both poetically imprecise and philosophically retrograde, the short story [conte] was the natural framework for disqualifying and requalifying the storyteller’s discourse as long as it was exposed to the influence of more contemporary and relevant categories. That status of relative bastardy, of hybridity prone to multiple hybridisations, gives Voltaire’s stories a unique position in the Mélanges, the very title of which heralds generic problematisation, as emblematically demonstrated by Le Pot-pourri and Les Trois Manières.

The first work mocks the Bible, first by parodying it, then by mingling the statements thus disqualified with comments and dialogues referring to current events and denouncing their danger. At the end of the generic account, the critical discourse, under its most individualised and polyphonic species, starts annotating and transposing with iconoclastic joy the discourse of error and authority.

The second work provides insight on the process, by rehabilitating allegory through stylistic variations that require not only eloquence to exude heartiness and sensitivity, but also the voice, singing and gestures to “recite” nature on the most suitable tone. In that context, Les Trois Manières are really an “alternative form of expression”, not the allegory of an idea, but a pure statement, inseparable from the object, and such that only love may actually depict love. The inherently generic invention would lie in a situation of enunciation, which recalls the initial oral character of the short story and induces a genuine empathy and a perfect communication around female storytellers against a background of linguistic philosophy.

Traduction : Gilles Plante