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Pierre Cambou, « Les Mélanges, comme art du montage. »

jeudi 7 octobre 2010

Revue Voltaire, 6 (2006), p. 105-114.
Pierre Cambou, « Les Mélanges, comme art du montage. »

La Voix du sage et du peuple et l’Histoire du docteur Akakia sont une image du mélange dans les Mélanges, la première parce qu’elle met au point, sous le titre de « voix », un discours moral, assez général pour avoir valeur générique, non un genre, mais une énonciation qui traverse et transcende les catégories constituées et forme une énonciation philosophiquement régénérée ; la seconde parce qu’elle met aux prises cette même voix avec toutes les voix de la déraison, parce qu’elle reproduit le libre jeu de l’opinion dans le réel polémique, à l’intérieur d’un corpus polyphonique, apparemment détaché de toute instance auctoriale, qui croise des énoncés proliférants, le long d’un fil narratif souple et intermittent.
Le mélange est bien sûr orchestré par la ventriloquie de Voltaire qui puise dans toutes les formes du discours prescriptif, de préférence mineures et détournées, pour faire entendre raison à la voix de la déraison. « Histoire » sera l’appellation, elle aussi générale et générique, d’une narration qui remonte aux sources jaillissantes du débat et de la lutte philosophiques, d’une conjuration de voix qui se cherchent des formes d’expression pertinentes et qui se mobilisent contre la force apparemment irrépressible de la parole fabulatrice, celle de Maupertuis en l’occurrence, qui persiste, signe et, de la sorte, se discrédite.

Revue Voltaire 6 (2006), pp.105-14.
[Pierre Cambou, “The Mélanges, or the art of mounting.”]

La Voix du sage et du peuple and the Histoire du docteur Akakia offer the very image of the miscellaneous in the Mélanges [Miscellania]. Under the notion of “voice”, the first develops a moral discourse, which is general enough to bear a generic value, not a genre, but a statement crossing and transcending the constituted categories, thus forming a regenerated statement philosophically speaking. As for the second, it confronts that same “voice” with the voices of unreasonableness and reproduces the free flow of personal opinions in the polemical reality within a polyphonic text apparently estranged from any authorial authority that comes into contact with ever more statements in the course of a supple and intermittent narrative thread.
The mix is obviously orchestrated by Voltaire’s ventriloquism, which feeds on all – preferably minor and diverted – forms of prescriptive discourse, with a view to making the voice of unreasonableness listen to reason. “History” will be the correct term – both general and generic – for a narrative stretching back to the rich sources of the philosophical debate and quarrel, for a concert of voices seeking relevant forms of expression and mobilising themselves against the apparently irrepressible force of the storyteller’s word – that of Maupertuis, in this case – who stuck so adamantly to his own opinions that he finally ended up discrediting himself.

Traduction : Gilles Plante