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Marek Očenáš, « L’Œdipe de Voltaire : première tragédie philosophique ? »

vendredi 28 mars 2014

Revue Voltaire, 14 (2014), p. 255-271.

Marek Očenáš, « L’Œdipe de Voltaire : première tragédie philosophique ? »

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L’article examine dans quelle mesure il est possible de considérer l’Œdipe de Voltaire (1718) comme la première tragédie philosophique dans le sens des Lumières. Il pose d’abord les conditions susceptibles de définir la tragédie des Lumières dans son fonctionnement général : si la critique sociopolitique et religieuse décelable dans la mise en œuvre de l’action et/ou dans les propos des personnages représente d’emblée le matériau portant le message, la tragédie philosophique doit aussi se reconnaître selon l’effet produit sur le spectateur : c’est la perception nette d’une telle critique qui est ici mise en valeur et qui représente la seconde condition distinctive capitale. Si bien que, dans un premier temps, l’article cherche à montrer que les tirades anticléricales recensées dans l’Œdipe de Voltaire ne sont pas tributaires du sujet traité mais qu’elles relèvent précisément de la volonté arbitraire du dramaturge de les faire proférer à ses personnages. Puisque tel est effectivement le cas – celui-ci ne se voit nullement obligé de charger leurs propos de discours remettant en question le pouvoir des prêtres –, l’intention critique de la tragédie s’impose avec acuité à l’attention des spectateurs contemporains. Dans un second temps, l’appréciation de cette intention critique est abordée par l’examen des feuilles critiques parues à la suite de la publication d’Œdipe en 1719. Leur examen montre que Voltaire est stigmatisé pour avoir rendu ses personnages impies non seulement par l’insertion de propos anticléricaux mais aussi par les gestes et les caractères de ces personnages qui dénoncent indéniablement l’injustice des dieux seuls responsables des crimes infligés aux hommes. Dans ces conditions, le caractère polémique de l’Œdipe de Voltaire va de toute évidence au-delà de l’effet esthétique habituel propre à la tragédie (susciter la crainte et la pitié). Peu importe de dire exactement si, en plus des attaques contre le pouvoir des prêtres et la crédulité qu’il engendre, Voltaire s’en prend aussi au jansénisme : la tragédie délivre bel et bien, d’une manière cohérente et systématique, comme Alzire et Mahomet le font incontestablement un peu plus tard dans le siècle, une « instruction philosophique » susceptible d’agir sur les esprits. Son cas exceptionnel tient précisément à la primauté d’une telle entreprise lors même que le mouvement des Lumières est en train de se constituer.