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Judith le Blanc, « Voltaire parodiste ou la dramaturgie musicale de La Fête de Bélesbat »

jeudi 28 mars 2013

Revue Voltaire, 13 (2013), p. 31-47.

Judith le Blanc, « Voltaire parodiste ou la dramaturgie musicale de La Fête de Bélesbat »

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La Fête de Bélesbat est un divertissement collectif et grivois représenté en novembre 1725 au château de Bélesbat à l’occasion de la noce du marquis de Montconseil avec Mlle Cécile Rioult de Curzay. Au cours de cette Fête, le curé de Courdimanche, disciple de Bacchus et de Rabelais, est accueilli par une harangue, puis Voltaire, Mme de Prie et divers habitants de Beslébat chantent pour raconter son couronnement, sa confession sur son lit de mort, et enfin la nomination de Voltaire comme son successeur. Suivent les remerciements de Voltaire à certains invités qui sont parfois explicitement désignés comme co-auteurs du divertissement. La Fête contient 19 airs parodiés sur des airs empruntés aux tragédies en musique de Lully et Quinault (notamment à Thésée, Atys, Bellérophon et Phaéton) ou aux vaudevilles de l’époque. Cet article identifie plus de la moitié des sources musicales des airs chantés dans La Fête. Petite bagatelle de circonstance, La Fête éclaire les rapports que Voltaire entretient avec l’opéra et ses goûts musicaux. Voltaire parodie non seulement les airs de l’opéra lullyste mais aussi la structure et la pédagogie musicale de ces opéras et notamment la répétition par le chœur de couplets chantés par un soliste. Cette imitation de la dramaturgie des divertissements de l’opéra rappelle la dramaturgie musicale de la messe. Le théâtre de société, parce qu’il échappe à la censure, est un lieu privilégié pour se rassembler en dehors de l’église. Il s’agit donc bien de substituer un type d’être-ensemble à un autre, une religion à une autre, au prix d’une inversion axiologique et d’un renversement carnavalesque des valeurs chrétiennes. La parodie s’infiltre ainsi à tous les niveaux : au sens premier et musical du terme, mais aussi au niveau de l’instrumentalisation et du détournement de la pédagogie présente dans l’opéra lullyste aussi bien qu’à l’église. La lecture de ce texte permet donc d’envisager la parodie voltairienne comme art de la subversion, poétique de la substitution, culture d’un esprit de connivence, art du détournement, mais aussi goût pour l’autodérision.