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Journées Voltaire 2020 - Revue Voltaire

mardi 12 mai 2020

« Voltaire historien de la littérature »
Journées Voltaire, Paris, 11 et 12 juin 2020

En raison de la situation sanitaire, les Journées Voltaire 2020 sont annulées. Elles feront directement l’objet d’une publication au sein de la Revue Voltaire n°21 (2021).

En 2001, José-Michel Moureau remarquait que « l’étude de Voltaire historien est restée jusqu’à ces dernières années le parent pauvre de la recherche voltairienne . » (José-Michel Moureau, « Voltaire historien : un chantier qui s’ouvre », RHLF, 2001/2, p.227-261). Si plusieurs recherches se sont consacrées depuis à combler cette lacune, il reste encore de nombreux aspects à explorer, en particulier en ce qui concerne l’étude de Voltaire historien de la littérature. La thèse pionnière de Raymond Naves sur le goût de Voltaire a montré toute l’importance du sujet, tandis que d’autres études se sont intéressées à Voltaire sous l’angle de l’esthétique (Sylvain Menant, L’Esthétique de Voltaire) ou bien de la critique littéraire (David Williams, Voltaire, literary critic). La parution récente dans les Œuvres complètes de Voltaire d’éditions critiques de textes qui mettent en jeu la relation particulière de Voltaire à l’histoire de la littérature révèle l’intérêt de cette question, que nous proposons de préciser et d’approfondir à l’occasion des Journées Voltaire 2020.

Tout au long de sa carrière, Voltaire s’est employé à construire des « temples » ou à constituer des « catalogues », pour hiérarchiser ou répertorier les gens de lettres et situer le développement des Belles-lettres dans l’histoire politique et sociale. En édifiant ces panthéons qui sont tout autant des lieux de mémoire que des réappropriations de l’Histoire, Voltaire cherche aussi à mesurer ou à imposer sa propre position dans l’histoire de la littérature, tant il est vrai qu’une pareille entreprise n’est jamais neutre pour un homme de lettres. Ainsi, dans ses ouvrages historiques et philosophiques, les Belles-lettres occupent une place fondamentale, qui montre que Voltaire n’est pas seulement un éminent praticien dans ce domaine, mais aussi, à son époque, un de ses principaux historiens.

La manière dont Voltaire concevait la « littérature » est d’ailleurs intimement liée à l’Histoire, dans la mesure où il s’agit d’« une connaissance des ouvrages de goût, une teinture d’histoire, de poésie, d’éloquence, de critique. » (Voir l’article « Gens de lettres » que Voltaire a écrit pour l’Encyclopédie, de même que l’article « Littérature » (OCV 34), inachevé, qu’il destinait probablement pour le même ouvrage). À cette définition générale, il ajoutait : « Un homme qui possède les auteurs anciens, qui a comparé leurs traductions et leurs commentaires, a une plus grande littérature que celui qui, avec plus de goût, s’est borné aux bons auteurs de son pays, et qui n’a eu pour précepteur qu’un plaisir facile. » Ainsi, en accord avec la définition classique, la « littérature » dépend-elle davantage d’une érudition active et ouverte que d’un dilettantisme mondain et superficiel.

Plus encore, Voltaire a toujours eu une grande curiosité pour tout ce qui a trait aux Belles-Lettres, intérêt marqué qui, loin de se limiter au seul continent européen, est ouvert au monde. Ainsi, l’histoire de la littérature se pense également pour Voltaire dans le cadre d’une « histoire globale », comme le montre son Essai sur les mœurs. Les connaissances linguistiques de Voltaire (le latin, l’italien, l’anglais) lui permettent ainsi d’avoir un accès privilégié à certains textes, comme Les Lusiades de Luís de Camõens, ou à la traduction annotée du Coran par George Sale, qu’il lit tous les deux en anglais.

Comme dans le cas de l’histoire en général, l’histoire de la littérature se décline chez Voltaire sur un mode critique et polémique. Si les structures hiérarchiques ou les catalogues qu’il a constitués n’ont pas manqué de soulever les passions et les critiques de ses contemporains, c’est aussi souvent par le biais de l’histoire de la littérature que Voltaire adresse ses critiques les plus acérées à l’égard de la Bible, et en particulier l’Ancien Testament, réduit à n’être qu’une fable péchant par son asianisme et son manque de goût. Par ailleurs, si le Grand siècle mérite cet adjectif par l’excellence de ses productions littéraires, la littérature du siècle de Louis XV pâlit en comparaison, elle qui est « inondée de brochures », et où le bon goût est dans son automne et « au temps de la chute des feuilles » (D915). Voltaire n’a d’ailleurs jamais cessé de se comparer à ses prédécesseurs, dans une relation qui fluctue entre l’émulation et la rivalité, comme on peut le lire par exemple dans les préfaces de ses œuvres théâtrales.

La question du rapport qu’entretenait Voltaire à l’histoire de la littérature fournira ainsi l’occasion d’étudier des textes, dont certains ont été peu analysés jusqu’à présent : les Lettres philosophiques, le Temple du Goût, l’Essai sur les mœurs (notamment le ‘Chapitre des arts’), Le Siècle de Louis XIV (en particulier le chapitre 32 et le « Catalogue des écrivains »), les Questions sur l’Encyclopédie, les Vies de Molière et de Corneille, ou encore le projet d’édition des « auteurs classiques de France » (D4632, D4763, D4857), et sans parler des remarques passagères mais nombreuses dans la correspondance.

Les propositions de communications pourront notamment explorer les pistes suivantes
• Les usages polémiques de l’histoire de la littérature chez Voltaire.
• Le rapport de Voltaire aux autres historiens de la littérature, anciens ou modernes.
• Voltaire et l’histoire de la littérature dans le cadre d’une « histoire globale » ou « mondiale ».
• Le rôle de la littérature dans la critique de son temps.
• Voltaire et la Bible, ainsi que les autres fables.
• Intertextualités chez Voltaire.
• La présence de Voltaire dans ses histoires de la littérature ; et ainsi de suite.

Nicholas Cronk & Jean-Alexandre Perras