Revue Voltaire, 15 (2015), p. 47-61.
Guillaume Métayer, « Voltaire et la philosophie du voyage »
Dans son article sur « Le dernier des écrivains heureux » (1957), Roland Barthes met en cause la valeur du voyage voltairien, présenté comme le simple habillage d’une philosophie de l’« immobilité ».
La genèse et l’écriture des Lettres philosophiques suggèrent une éthique et esthétique du voyage bien différentes. Voltaire a refusé sciemment le genre du récit de voyage, mais en a exploité codes et attentes pour en proposer une quintessence philosophique, un « esprit », dans une forme de récit au second degré. Le séjour en Angleterre constitue le substrat réel, mais drastiquement formalisé, d’un authentique dialogue avec l’Autre et d’un puissant décentrement du regard.
Le Traité de métaphysique offre un autre exemple de solidarité entre voyage et philosophie. L’hypothèse du voyage cosmique figure une réflexion à nouveaux frais sur la nature humaine. Le procédé de l’estrangement voyageur, récurrent chez Voltaire, trouve d’ailleurs ici une limite épistémologique.